La FSU adresse une lettre ouverte au Président de la République en réaction au dossier du Figaro Magazine sur « l’endoctrinement » des enfants par l’Ecole et aux divers propos d’un ministre, qui perdu toute sa légitimité, sur la « culture woke » et un possible « non-respect des valeurs de la République » par les enseignant·es. Ce dernier alimente ainsi, tel un pompier pyromane, un climat délétère et dangereux dans le débat public et médiatique. Ce développement « d’un discours démagogique, opportuniste, diffamatoire et dangereux pour la cohésion de toute la société à travers les attaques contre l’institution scolaire et ses personnels » est inacceptable.
Le courrier :
Palais de l’Elysée
Monsieur le Président de la République
Emmanuel Macron
55 rue du Faubourg Saint Honoré
75008 Paris
Les Lilas le 17 novembre 2021
Monsieur le Président de la République,
Nous vous adressons cette lettre ouverte en tant que représentant-es de professions gravement mises
en cause mais aussi en tant que citoyennes et citoyens choqué-es de voir se développer un discours
démagogique, opportuniste, diffamatoire et dangereux pour la cohésion de toute la société à travers
les attaques contre l’institution scolaire et ses personnels.
A la suite des propos du ministre de l’Education nationale sur la «culture woke» qui aurait gangréné
le monde de l’éducation, et les menaces qu’il a énoncées à l’égard d’une partie des personnels qui,
selon lui, ne respecteraient pas les valeurs de la République ; après les propos de la ministre de
l’Enseignement supérieur sur «l’islamo gauchisme» à l’Université, le dossier du Figaro Magazine a
sonné, pour nombre d’enseignantes et enseignants de France comme une nouvelle remise en cause
de leur professionnalité. Alors que la grandeur de notre profession a toujours consisté à être capable
d’articuler engagement fort et neutralité, dans le respect des programmes, voilà désormais les
personnels accusés d’endoctriner leurs élèves. Dans ce dossier, la présidente du conseil supérieur
des programmes, qui exerce sa mission auprès du ministre de l’Education nationale, abonde dans
ce sens en assurant être contrainte de «protéger l’institution scolaire de toutes les modes en vogue
dans la société et de la prémunir des idéologies de la déconstruction postcoloniales ou identitaires».
Elle appelle clairement à surveiller les enseignant-es, ce qui revient à les présumer coupables !
La lutte contre le racisme, contre les stéréotypes de genre, sexistes et LGBTI phobes ne serait-elle
plus un objectif de l’éducation mais, dans un curieux retournement de valeurs, une faute ? Nous
rappelons ici avec force que le racisme est un délit, que nous enseignons comme tel à nos élèves.
Même si nous reconnaissons la lutte contre le racisme comme une valeur, nous rappelons qu’il s’agit
aussi d’un principe juridique.
Par ailleurs, pas un membre du gouvernement ne s’est ému que toute une profession soit
publiquement salie et désignée à la vindicte de celles et ceux qui, aujourd’hui, se cherchent des
ennemis. Qu’en est-il du devoir de protection de personnels accusés publiquement de pervertir la
société ?
Non, nous n’avons pas baissé les bras sur les valeurs. Oui, nos valeurs sont celles de l’égalité, de la
tolérance, de l’émancipation par l’école, ce qui consiste à donner aux élèves les outils pour
construire leur propre voie et devenir des citoyennes et citoyens éclairé-es.
Il ne s’agit pas de les formater ni de les endoctriner, mais au contraire de les ouvrir à la complexité
du monde et leur donner les outils pour leur permettre d’y trouver leur place. Jamais nous
n’accepterons qu’un amalgame soit fait entre l’éducation dans le cadre de valeurs telles que
l’antiracisme ou l’inclusion des personnes LGBTI et la manipulation des esprits.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de mes salutations
respectueuses.
Lors du CSE du 18 novembre, un voeu adressé à Jean-Michel Blanquer condamne » l’absence d’expression publique du Ministre […] incompréhensible et coupable « . Les organisations FSU, CGT Educ’action, SUD éducation, UNSA-Education rappellent que » les personnels de l’Education nationale sont en droit d’attendre de leur ministre qu’il assure leur protection quand ils sont accusés de pervertir la société. Elles réaffirment avec force que la liberté pédagogique des enseignants est inaliénable. »