L’Etat condamné en appel pour avoir sanctionné un policier dénonçant le racisme au sein de son service

Le brigadier-chef Amar Benmohamed, considéré comme un lanceur d’alerte, avait signalé des injures et propos racistes, ainsi que des mauvais traitements de la part de certains de ses collègues policiers envers des détenus.

En 2020, il martelait sa détermination à «ne plus vouloir fermer sa gueule». Mercredi 8 octobre, la cour administrative d’appel de Paris est allée dans le sens de cette liberté de parole : les magistrats ont condamné l’Etat pour les sanctions infligées par la préfecture de police à celui qui avait dénoncé en interne les dérives racistes de son service.Portrait

Amar Benmohamed, le policier qui ne pouvait plus se taire

Le témoignage d’Amar Benmohamed, révélé en 2020 par le média d’investigation en ligne Streetpress, faisait état de «plus de 1 000 prévenus maltraités» entre mars 2017 et mi-2019 au dépôt du tribunal où il était en poste. Ce policier, que la défenseure des droits considère comme un lanceur d’alerte depuis 2022, avait été sanctionné à plusieurs reprises, pour des signalements «imprécis ou trop tardifs», pour avoir porté «atteinte au crédit et au renom de la police nationale» ou manqué «au devoir d’obéissance, de réserve, de loyauté et de rendre compte». La cour administrative d’appel s’est penchée sur deux de ces sanctions.

En première instance, au mois d’avril 2024, le tribunal administratif de Paris avait déjà annulé un avertissement et un blâme de sa hiérarchie, mais le ministère de l’Intérieur avait fait appel. La cour d’appel a jugé mercredi que la mesure punitive n’était «pas justifiée par des éléments objectifs étrangers au statut de lanceur d’alerte dont bénéficie M. Benmohamed» et l’a de nouveau annulée. Concernant la seconde, l’annulation a également été confirmée : «L’Intérieur n’établit pas qu’[elle] est justifiée par des considérations objectives étrangères au signalement que [M. Benmohamed] a effectué et pour lequel la qualité de lanceur d’alerte lui a été reconnue». L’Etat devra lui verser 1 500 euros de frais de justice. Dans un autre arrêt de juin 2023, la cour administrative d’appel avait déjà annulé un autre avertissement.

Une instruction qui «protège l’institution policière»

«Une nouvelle fois, le ministère de l’Intérieur est condamné pour des fausses sanctions contre [ce] lanceur d’alerte», s’est félicité Me Arié Alimi, qui défend Amar Benmohamed. Il souligne également les déclarations du rapporteur public, qui a affirmé pour la première fois au cours de l’audience «que M. Benmohamed était harcelé moralement par sa hiérarchie».

Une victoire qu’il a rapidement nuancée : «En revanche, la juge d’instruction en charge du dossier pénal de harcèlement moral se refuse à instruire véritablement. Ce faisant, elle protège l’institution policière et judiciaire», a critiqué Me Arié Alimi.

L’enquête portant sur les accusations de maltraitances et propos racistes au dépôt dénoncés par Amar Benmohamed avait, elle, été classée sans suite en janvier 2022.